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504 MÉLANGES DHISTOIRE.

losophiques, il accueillait volontiers par quelque, léger sarcasme les prétentions des jeunes gens à démontrer l’indémontrable ; mais la sincérité touchante de M. Damiron, sa vie si pure, le frappaient de respect. Les jeunes ecclésiastiques, d’un autre côté, trouvaient chez lui la réception la plus empressée. Un moment, quand il put espérer que l’école des Carmes, sous la direction de l’abbé Cruice, renfermait un germe de bonnes études, il encouragea les efforts qui s’y faisaient. Un de ses amis les plus chers était Ozanam ; il ne partageait pas ses convictions religieuses, mais il aimait son goût pour les lettres, sa chaleur de cœur, sa belle imagination. Le ferme jugement, la solide connaissance de l’antiquité et la droiture de M. Havet, qu’il choisit pour son suppléant, obtenaient de lui la même sympathie.

La vie de famille se borna pour lui au culte de sa mère. Déjà parvenu à la vieillesse, il avait pour elle la respectueuse obéissance d’un enfant. Sa bonne et fidèle nature semblait le destiner à d’autres affections et à d’autres devoirs. Sous les préoccupations de l’érudit passionné, il put dissimuler plus d’un regret ; mais il eût cru trahir sa mère en contractant des liens en dehors d’elle. Pour elle il dérogea même à ses habitudes les plus chères ; il quitta sa Sorbonne et acheta une maison de campagne au Plessis-Gassot, près d’Écouen. Après la mort de madame Le Clerc, il donna la maison à la commune pour servir d’école. Hélas ! il avait compté sans « cette administration que l’Europe nous envie ». Pour accomplir cette donation, il eut à traverser tant d’enquêtes, de papiers de justice, de formalités, qu’il eut peine à en sortir.