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pour le bon sens public. En somme, malgré toute sorte de décadences, la France était grande encore. Des princes du sang, hommes aimables, gens d’esprit, amateurs éclairés, faisaient de Paris le centre de la mode. Le conseil du roi, le parlement, comptaient de sages clercs, et inauguraient le règne d’une haute classe administrative éclairée ; le ministre a désormais un rôle distinct ; le roi n’est plus seulement entouré de nobles et de moines ; l’esprit gallican se renforce ; la judicature s’améliore. Si la noblesse est tort abaissée, si elle manque déplorablement à ses devoirs, la bourgeoisie, la nation suivent un progrès lent mais sûr. Tandis que, dans les fabliaux du XIIIe siècle, le roturier est toujours lâche, avare, ridicule en amour, ordurier, n’ayant de goût que pour de sottes et honteuses histoires, maintenant le bourgeois, l’auteur du Ménagier de Paris par exemple, est bien plus délicat, plus noble qu’un gentilhomme comme Latour-Landry. Le fils d’un roturier arrive à tout par l’instruction. La littérature du tiers état commence. Les principes les plus nets de ce que nous appelons le libéralisme et même la Révolution sont hautement proclamés. Un chancelier de France, Miles de Dormans, évêque de Beauvais, voulant calmer, en 1308, une sédition parisienne, crie tout haut : Elsi centies negenl reges, régnant suffragio populorum. Le mot de « tyran » devient français. Grâce à l’Université, Paris est la ville de la doctrine, la ville des livres, sinon la ville du génie. Les fondations de collèges, qui ne furent jamais plus nombreuses qu’en ce siècle, sont une cause puissante d’affranchissement pour la bourgeoisie ; on arrive à être chef d’ordre, évêque, cardinal, pape même par l’Université. Nicolas Oresme, Etienne Marcel,