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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 489

époque bien plus difficile en un sens, car les anciens bibliothécaires l’ont beaucoup moins étudié que le XIIe et le XIIIe. L’usage des bénédictins fut, en tête de chaque siècle, de placer un discours général sur l’état des lettres et des écoles, afin de donner ainsi place à des considérations d’ensemble que ne pouvaient renfermer les notices séparées. C’est encore dom Rivet qui publie, en 1750, le discours sur l’état des lettres en France au XIIe siècle. En 1824, M. Daunou fit paraître le discours sur le XIIIe siècle ; la commission confia à M. Le Clerc le discours sur le XIVe. M. Le Clerc donna à cet ouvrage des proportions jusque-là inusitées. Le XIVe siècle est, en littérature, bien inférieur au XIIe et au XIIIe. La langue, déjà fort abaissée sous les successeurs immédiats de saint Louis, perd, sous les Valois, toute régularité, toute dignité littéraire. L’esprit poétique est mort, toute originalité philosophique a cessé, la science fait très-peu de progrès ; la France n’occupe plus dans les lettres la première place qu’elle avait tenue jusque-là, l’Italie la dépasse de beaucoup. Brunetto Latini, mort en 1294, n’est en presque rien supérieur à ses maîtres de France ; il leur est même inférieur en beaucoup de choses ; Dante, Pétrarque, sont de tout point supérieurs à leurs contemporains de deçà les monts. Mais l’intérêt que le XIVe siècle n’a pas en littérature, il l’a en politique. C’est un siècle d’action et de révolutions. « Il commença, dit M. Le Clerc, beaucoup de choses dont quelques-unes ne sont pas encore achevées. » Philippe le Bel et son triomphe durable sur la papauté altière du moyen âge, la fondation d’une royauté administrative, la naissance de l’État, la constitution régulière des états généraux, la papauté rendue française pour