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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 481

mendiants et de l’Université sous saint Louis. Guillaume de Saint-Amour, Gérard d’Abbeville, Godefroi des Fontaines, lui durent de sortir de l’obscurité où les avaient relégués le mauvais vouloir de leurs puissants rivaux et la timidité de leurs successeurs. Des recherches approfondies amenèrent sur ce point M. Le Clerc à de précieuses découvertes ou à des rectifications équivalant à des découvertes. Le caractère sérieux, ferme, dur, presque terrible de cette grande école gallicane du XIIIe siècle sortit vivant de ses travaux. Il retrouva juqu’aux chansons par lesquelles les étudiants se vengeaient des intrigues de leurs ennemis et du mauvais vouloir de Blanche de Castille ; il montra avec exactitude le rôle de saint Thomas et de saint Bonaventure en ces querelles. Il fit bien plus encore. Le plus important, après Guillaume de Saint-Amour, de ces rudes lutteurs qui soutinrent sous saint Louis les droits de la pensée naissante, ce Siger, que Dante place dans le paradis à côté d’Albert de Cologne et de Thomas d’Aquin, avait été tellement trahi par la renommée, que le passage de la Divine Comédie qui le concerne semblait une énigme. Avec une prodigieuse érudition, aidée d’un jugement pénétrant, M. Le Clerc retrouva les titres de cette gloire oubliée, reconstruisit la biographie de Siger, montra son rôle dans les écoles de la rue du Fouarre, retrouva ses écrits, reconnut l’esprit de son enseignement. Ce Siger, qui, selon Dante,

Syllogisa discours dont on lui porte envie,

fut un vrai libéral, presque un républicain ; il fit un cours de politique qui laissa chez plusieurs de ses auditeurs une profonde impression ; il fut le maître de Pierre du|31