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lante ; nous nous rendrons ce témoignage que nous aurons été avec nous-même d’une sincérité absolue.

À vrai dire, je ne puis m’arrêter sur de telles pensées. L’histoire démontre cette vérité qu’il y a dans la nature humaine un instinct transcendant qui la pousse vers un but supérieur. Le développement de l’humanité n’est pas explicable, dans l’hypothèse où l’homme ne serait qu’un être à destinée finie, la vertu qu’un raffinement d’égoïsme, la religion qu’une chimère. Travaillons donc, messieurs. Quoi qu’en dise l’auteur de l’Ecclésiaste, à un de ses moments de découragement, la science n’est pas « la pire occupation que Dieu ait donnée aux fils des hommes ». C’est la meilleure. Si tout est vanité, celui qui aura consacré sa vie au vrai ne sera pas plus dupé que les autres. Si le vrai et le bien sont quelque chose, et nous en avons l’assurance, c’est sans contredit celui qui les aura cherchés et aimés qui aura été le mieux inspiré.


Nous ne nous retrouverons plus, messieurs ; à partir de ma prochaine leçon, je vais m’enfoncer dans la philologie hébraïque, où la plupart d’entre vous ne me suivront pas. Mais que ceux qui sont jeunes et à qui je peux me permettre de donner un conseil, veuillent bien m’écouter. Le mouvement qui est en vous, et qui s’est trahi plus d’une fois dans le cours de cette leçon d’une façon si honorable pour moi, est louable en son principe et de bon augure ; mais ne le laissez pas dégénérer en agitation frivole. Tournez-vous vers les solides études ; croyez que la chose libérale par excellence c’est la culture de l’esprit, la noblesse du cœur, l’indépendance du jugement. Préparez à notre patrie des générations mûres