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456 MÉLANGES D’HISTOIRE.

il perdit son père en très-bas âge. On était au plus fort de la tourmente révolutionnaire ; sa mère se trouva réduite à une grande pauvreté. C’était une femme courageuse et dévouée ; elle s’imposa les plus durs sacrifices pour donner de l’éducation à l’enfant, dont la nature respectueuse et honnête se laissait déjà pressentir.

Dans l’ordre des études littéraires, la Révolution avait tout détruit. Les anciennes institutions avaient disparu, les nouvelles n’étaient pas encore créées. Quelques survivants de l’université de Paris et des congrégations religieuses vouées à l’enseignement cherchaient, avec une louable ardeur, à recueillir les débris du naufrage et à relever les études classiques. L’école centrale du Panthéon, installée dans les bâtiments de l’abbaye Sainte-Geneviève, rendait de véritables services. Au premier rang parmi les écoles secondaires qui suivaient les cours de cet établissement était l’institution de M. Dabot. C’était une maison sérieuse et austère, où les délicatesses qui ont été introduites depuis dans l’éducation étaient inconnues. M. Dabot ne négligeait rien pour exciter parmi ses élèves l’ardeur du travail et l’émulation du succès. Ayant eu connaissance des efforts de la pauvre veuve et des dispositions de l’enfant, il adopta en quelque sorte celui-ci. Victor Le Clerc était dès lors tel que nous l’avons vu plus tard, sédentaire, se mêlant peu au mouvement de la vie extérieure, uniquement attiré par l’étude. Vers le même temps, M. Dabot s’associait un de ses élèves, dont le nom, par une alliance de famille, devint inséparable du sien, M. Hallays. Une vive sympathie existait déjà entre le jeune Le Clerc et le jeune Hallays, Celui-ci, un peu plus âgé, était le protecteur de son petit camarade, pauvre, craintif et souffre-