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MÉLANGES D’HISTOIRE.

çons ; et, en conservant avec reconnaissance et admiration la mémoire de l’homme célèbre qui, dans ses brillantes esquisses, a touché avec une hardiesse si heureuse à toutes les questions indiennes, nous devons ne pas oublier que le seul moyen de résoudre un jour ces questions avec certitude, c’est de ne pas les traiter prématurément ; nous devons savoir qu’il faut auparavant, comme il avait lui-même commencé de le faire dans ses belles traductions de Manou, de la Çakuntalà et du Gitagòvindà, demander aux textes eux-mêmes les connaissances positives sans lesquelles la critique manque à la fois de base et d’objet. »

Des textes et des faits nouveaux, voilà, en effet, ce que réclament avant tout ceux qui savent comprendre la vraie organisation des sciences historiques. Mais les textes ne se découvrent qu’à ceux qui possèdent la vue de l’ensemble, savent comprendre les problèmes et en apprécier l’importance relative. La condition essentielle pour rendre des services en ces études est de bien voir toute l’étendue du champ à exploiter ; rien ne sera fait, tant que chacun creusera isolément son sillon, sans s’inquiéter si la ligne qu’il poursuit se rattache à un plan général d’exploration. Des écoles organisées peuvent seules produire, dans un tel ordre de travaux, des résultats féconds. L’avantage que l’Allemagne possède sous ce rapport est d’offrir en ses universités un enseignement libre et varié, représentant à chaque heure le dernier mot de la science, et transportant le jeune homme, au moment de sa plus grande activité, à la tête même de la tranchée que viennent d’ouvrir les pionniers. Chez nous, il faut des années pour comprendre le but