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LA PHILOLOGIE DANS L’ANTIQUITÉ.

entourés d’un public grossier et sans intelligence, mais que l’activité de l’esprit, avec toutes ses espérances et ses craintes, avec ses vœux et ses combats, était répandue dans toute la société, bien que cette activité fût le plus souvent comprimée au fond du cœur, parce qu’il paraissait inutile de présenter aux yeux d’un monde ébranlé des idées qui contrastaient trop vivement avec l’état actuel de la société et étaient impuissantes à le guérir. »

Loin donc de placer la philologie parmi les causes qui rabaissent l’homme et le préparent à la servitude, ainsi que semblait le croire Épictète[1], il faut dire qu’elle a contribué, aux époques de dépression, à relever et à consoler l’humanité. Si parfois elle semble avoir recherché de préférence les époques où la pensée était le moins libre, ce n’est pas qu’elle ait affectionné la tyrannie ; mais c’est que l’esprit humain, se voyant interdire les grandes voies de la création philosophique, se réfugiait de lui-même dans cet humble exercice, où il trouvait un aliment inoffensif à sa curiosité et au besoin qu’il a de remuer des idées.

Les points de division que M. Græfenhan a adoptés dans l’histoire générale de la philologie prêtent à la critique aussi bien que le cadre qu’il a donné à cette histoire. Adoptant la division ordinaire en période ancienne, période du moyen âge et période moderne, il a choisi pour limite des temps anciens et du moyen âge la fin du IVe siècle, et pour limite du moyen âge et des temps modernes l’invention de l’imprimerie, c’est-à-dire le milieu

  1. Μέμνησο ὅτι οὐ μόνον ἐπιθυμία ἀρχῆς καὶ πλούτου ταπεινοὺς ποιεῖ καὶ ἄλλοις ὑποτεταγμένους, ἀλλὰ καὶ σχολῆς καὶ ἀποδημίας καὶ φιλολογίας. (Arrien, Dissert., IV, 4, § 1)