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deviendrait un peu exigeante. La Perse la première opéra sa réforme (celle à laquelle on rattache le nom de Zoroastre) sous des influences et à une époque que nous ignorons. La Grèce, au temps de Pisistrate, était déjà mécontente de sa religion et se tournait vers l’Orient. À l’époque romaine, le vieux culte païen était devenu tout à fait insuffisant. Il ne disait plus rien à l’imagination ; il disait très-peu de chose au sentiment moral. Les vieux mythes sur les forces de la nature s’étaient changés en anecdotes, parfois amusantes et fines, mais dénuées de toute valeur religieuse. C’est justement à cette époque que le monde civilisé se trouve face à face avec le culte juif. Fondé sur le dogme clair et simple de l’unité divine, écartant le naturalisme et le panthéisme par cette phrase merveilleuse de netteté : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, » possédant une loi, un livre, dépositaire d’enseignements moraux élevés et d’une haute poésie religieuse, le judaïsme avait une incontestable supériorité, et il était possible de prévoir dès lors qu’un jour le monde deviendrait juif, c’est-à-dire quitterait la vieille mythologie pour le monothéisme. Un mouvement extraordinaire, qui se passa à cette époque dans le sein du judaïsme lui-même, décida la victoire. À côté de ses grandes et incomparables parties, le judaïsme contenait le principe d’un formalisme étroit, d’un fanatisme exclusif et dédaigneux de l’étranger ; c’était l’esprit pharisien, qui est devenu plus tard l’esprit talmudique. Si le judaïsme n’eût été que le pharisaïsme, il n’aurait eu aucun avenir. Mais cette race portait en elle une activité religieuse vraiment extraordinaire. Comme toutes les grandes races, d’ailleurs, elle réunissait les contraires ; elle savait réagir