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une différence profonde entre les hommes : les uns sont εὐφυεῖς, εὐμαθεῖς, πολυμαθεῖς, πολύπειροι, εὐτραπελεῖς, μουσικοί, les autres, au contraire, μισολόγοι, ἄμουσοι. Le mot même de φιλολόγος se trouve pour la première fois dans Platon, et y est à peu près synonyme de πολυλόγος.[1]. La manière de procéder par objections et par réponses (ἐνστατικοί et λυτικοί), qui devint la forme préférée de la critique alexandrine, apparaît dès cette époque d’une manière caractérisée. Homère, Hésiode, Archiloque, Simonide, Théognis, Mimnerme, Phocylide, les gnomiques, les fables d’Ésope, les premiers philosophes, et même (quoique les traces en soient encore peu sensibles), les tragiques, sont déjà des classiques, et comme tels objets d’études régulières. Les comiques, et surtout Aristophane, offrent des allusions et des parodies littéraires, témoignant d’un état assez avancé de l’esprit critique. Les manuels d’invention oratoire des rhéteurs siciliens et des sophistes, leurs théories de rhétorique artificielle, leurs τέχναι, leurs traités περὶ λέξεως, fondaient définitivement ce système de l’art oratoire dont Aristote ne fut que le rédacteur complet, et qui, à travers les Latins, a passé aux modernes. En somme, les bases de toutes les parties de la philologie grecque étaient posées, quelques parties même, comme la rhétorique, étaient presque achevées, quand Aristote, par son érudition et par la vaste compréhension de son esprit, vint déterminer le sens où devaient se diriger tout le mouvement de sa puissante école et tous les efforts ultérieurs du génie grec.

L’envahissement définitif de la littérature par la philo-

  1. Legg. I, 641, E : Ὡς φιλολόγος τέ ἐστι καὶ πολυλόγος. — Lach. 188, C : Καὶ γὰρ ἂν δόξαιμί τῳ φιλολόγος εἶναι καὶ αὖ μισολόγος.