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382 MÉLANGES D’HISTOIRE.

confiés les dogmes religieux et la liturgie. Le sanscrit chez les Hindous, le pâli chez les bouddhistes, le kawi à Java et dans l’île de Bali, le zend et le pehlvi chez les Parsis, le tibétain chez les Mongols, l’hébreu chez les juifs, le samaritain, le mendaïte ou nazoréen, le copte chez les sectes du même nom ; le chaldéen chez les Syriens orientaux, le syriaque chez les Maronites, le grec chez les Abyssins, l’arabe dans toutes les régions musulmanes, l’arménien, le géorgien anciens, dans les pays où ces dialectes furent jadis vulgaires, sont l’idiome d’une liturgie, d’un livre sacré ou d’une version vénérée à l’égal d’un livre sacré, et constituent l’objet presque exclusif des études, réduites dans ces contrées à l’ordre sacerdotal. C’est une loi générale, en effet, que la langue liturgique et sacrée ne soit pas la langue vulgaire[1].

Une autre cause a dû contribuer à maintenir chez les nations chrétiennes de l’Orient le culte de la langue ancienne. La plupart de ces nations n’ont commencé à cultiver leur langue, souvent même à l’écrire, que par suite de l’introduction du christianisme. Leur premier ouvrage a d’ordinaire été une version de la Bible, que l’antiquité a entourée aux yeux du peuple d’un prestige de sainteté, et qui d’ordinaire a sa légende miraculeuse. C’est à la forme fixée par cette première littérature que la nation demeure dans la suite invariablement attachée. Les peuples de l’Orient, en effet, n’ont d’ordinaire été déterminés

  1. Souvent même elle est complètement ignorée de ceux qui en répètent les sons avec un respect traditionnel, en leur attribuant encore une eflicacité surnaturelle. C’est ainsi que le copte et le zend ont été à certains moments presque entièrement ignorés des sectes religieuses qui s’en servent dans leur liturgie. Cf. Abel Rémusat, Rech. sur les langues tartares, p. 161, 371.