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380 MÉLANGES D’HISTOIRE.

tant l’idée principale ; chez les Hébreux, ils s’y joignent comme proclitique ou comme son final, et l’idée principale reste dans le centre, semblable à un roi puissant que ses serviteurs et ses valets entourent de près, formant avec lui un seul tout, lequel se produit spontanément dans une harmonie parfaite[1] ». Or l’hébreu disparaît à une époque reculée pour laisser dominer seuls le chaldéen, le samaritain, le syriaque, le rabbinique, dialectes plus analysés, plus longs, plus clairs aussi quelquefois. Mais l’arabe, de son côté, est trop savant pour l’usage vulgaire de peuples illettrés. Les peuples conquis par les premiers khalifes ne peuvent en observer les flexions délicates et variées, le solécisme se multiplie et devient de droit commun, au grand scandale des grammairiens ; on y obvie en abandonnant les flexions et en y suppléant par le mécanisme plus commode de la juxtaposition des mots. De là, à côté de l’arabe littéral, qui devient le domaine exclusif des écoles, l’arabe vulgaire, d’un système beaucoup plus simple et moins riche en formes grammaticales. Les notations de cas, l’expression des modes par les terminaisons du futur, l’usage de la voix passive pour chaque forme verbale, la distinction des genres dans plusieurs circonstances, mille autres nuances ont disparu, et la langue semble rentrer dans l’ancien cercle sémitique, au delà duquel elle avait fait, en sa forme savante, une si brillante excursion.

Les langues de l’extrême Orient présentent un phénomène analogue dans la superposition du chinois ancien et

  1. Histoire de la poësie des Hebr. premier dial.