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MÉLANGES D’HISTOIRE.

subdivise sans cesse les idées et les rapports eux-mêmes. Le pali paraît avoir subi ce genre d’altération ; c’est du sanscrit, non pas tel que le parlerait une population étrangère pour laquelle il serait nouveau, mais du sanscrit pur, s’altérant et se modifiant lui-même à mesure qu’il devient populaire, » — Le prâcrit, qui représente le second âge d’altération de la langue ancienne[1], est soumis à des lois analogues : d’une part, il est moins riche, de l’autre plus simple et plus facile. Le kawi enfin, autre corruption du sanscrit, mais formé sur une terre étrangère, participe aux mêmes caractères. « Si je devais présenter une opinion sur l’histoire du kawi, dit Crawfurd, je dirais que c’est le sanscrit privé de ses inflexions, et ayant pris à leur place les prépositions et les verbes auxiliaires des dialectes vulgaires de Java. Nous pouvons facilement supposer que les Brahmanes natifs de cette île, séparés du pays de leurs ancêtres, ont, par insouciance ou ignorance, essayé de se débarrasser des inflexions difficiles et complexes du sanscrit, par les mêmes raisons qui ont porté les barbares à altérer le grec et le latin, et à former le moderne romaïque et l’italien[2] » — Mais ces trois langues elles-mêmes, formées par dérivation du sanscrit, éprouvent bientôt le même sort que leur mère. Elles deviennent à leur tour langues mortes, savantes et sacrées, le pali dans l’île de Ceylan et l’Indo-Chine, le prâcrit chez les Djainas, le kawi dans les îles de Java, Bali et Madoura, et à leur place s’élèvent dans l’Inde des

  1. Essai sur le pali, p. 158-159.
  2. Cf. Asiat. Researches, vol. XIII, Calcutta, 1820, p. 161. — Voyez surtout W. de Humboldt : Über die Kawi-Sprache auf der Insel Java, t. II, § 1, etc.