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L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN CHINE. 377

cession est en elle-même un fait incontestable, et l’on pourrait à peine citer une partie considérable de l’ancien monde civilisé où deux langues ne se soient ainsi remplacées l’une l’autre. Si nous parcourons, par exemple, les diverses branches de la famille indo-germanique, tout d’abord, au-dessous des idiomes de l’Inde, nous trouvons le sanscrit. Le sanscrit, avec son admirable richesse de formes grammaticales, ses huit cas, ses six modes, ses désinences nombreuses et ces formes de mots variées qui énoncent, avec l’idée principale, une foule de notions accessoires, représente une sorte d’âge d’or du langage. Mais bientôt ce riche édifice se décompose. Le pâli, qui signale son premier âge d’altération, est empreint d’un remarquable esprit d’analyse. « Les lois qui ont présidé à la formation du pâli, dit M. Eugène Burnouf[1], sont celles dont on retrouve l’application dans d’autres idiomes ; ces lois sont générales, parce qu’elles sont nécessaires… Les inflexions organiques de la langue mère subsistent en partie, mais dans un état évident d’altération. Plus généralement, elles disparaissent, et sont remplacées, les cas par des particules, les temps par des verbes auxiliaires. Ces procédés varient d’une langue à l’autre, mais le principe est toujours le même ; c’est toujours l’analyse, soit qu’une langue synthétique se trouve tout à coup parlée par des barbares qui, n’en comprenant pas la structure, en suppriment et en remplacent les inflexions, soit que, abandonnée à son propre cours et à force d’être cultivée, elle tende à décomposer et à subdiviser les signes représentatifs des idées et des rapports, comme elle décompose et

  1. Essai sur le pali de MM. Burnouf et Lasseu, p. 140-141.