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L'INSTRUCTION PUBLIQUE EN CHINE. 373

les sujets ne sont plus sous-entendus, ni les particules de nombre ou de temps abandonnées à la sagacité du lecteur ou de l’auditeur. Les mots groupés en forme de polysyllabes, les substantifs affectés de désinences spéciales, les conjonctions et les prépositions soigneusement mises à leur place, les adverbes distingués par des terminaisons, une foule d’auxiliaires et de mots analogues aux particules tant séparables qu’inséparables dans les verbes allemands, une construction enfin toujours conforme à l’ordre naturel des idées, font du chinois familier la plus claire comme la plus facile de toutes les langues »[1].

Pourquoi donc n’avoir pas choisi cet idiome, qui semble réunir à une plus grande perfection l’avantage d’être l’instrument du commerce ordinaire de la vie ? C’est exactement l’objection qu’on entend répéter tous les jours contre les langues classiques, et qui, bien que superficielle, ne laisse pas d’être en apparence l’expression de ce qu’on a coutume d’appeler le bon sens ou l’esprit positif. Ne serait-ce point déjà une raison pour s’en défier, puisqu’il est rare que ces difficultés trop apparentes tiennent devant une discussion sévère ? On peut le croire. Mais, sans faire à l’opinion que nous combattons un reproche de sa prétendue évidence, opposons-y du moins un fait bien remarquable, je veux dire le choix par lequel les Chinois ont fait de leur langue ancienne la base de l’éducation pour toutes les professions et toutes les conditions, et cela sans obéir à aucun motif religieux. En effet, cette langue et cette littérature anciennes sont, à leurs yeux, beaucoup moins sacrées que classiques. Confucius est

  1. Recherches sur les langues tarrtares, loc. cit.