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savoir, est une chose dont il n’y a nulle trace avant la Grèce, une chose que nous avons apprise d’elle seule. Babylone a eu une science, mais elle n’a pas eu le principe scientifique par excellence, la fixité absolue des lois de la nature. L’Égypte a su de la géométrie, mais elle n’a pas créé les Éléments d’Euclide. Quant au vieil esprit sémitique, il est de sa nature anti-philosophique et anti-scientifique. Dans Job, la recherche des causes est presque présentée comme une impiété. Dans l’Ecclésiaste, la science est déclarée une vanité. L’auteur, prématurément dégoûté, se vante d’avoir étudié tout ce qui est sous le soleil et de n’y avoir trouvé que de l’ennui. Aristote, à peu près son contemporain, et qui avec plus de raison eût pu dire qu’il avait épuisé l’univers, ne parle pas une fois de son ennui. La sagesse des nations sémitiques ne sortit jamais de la parabole et des proverbes. On parle souvent d’une science et d’une philosophie arabes, et, en effet, pendant un siècle ou deux, au moyen âge, les Arabes furent bien nos maîtres ; mais c’était en attendant que nous connussions les originaux grecs. Cette science et cette philosophie arabes n’étaient qu’une mesquine traduction de la science et de la philosophie grecques. Dès que la Grèce authentique se lève, ces chétives traductions deviennent sans objet, et ce n’est pas sans raison que tous les philologues de la Renaissance entreprennent contre elles une vraie croisade. À y regarder de près, d’ailleurs, cette science arabe n’avait rien d’arabe. Le fond en est purement grec ; parmi ceux qui la créèrent, il n’y a pas un vrai sémite ; c’étaient des Espagnols, des Persans écrivant en arabe. — Le rôle philosophique des juifs au moyen âge est aussi celui de simples