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gouvernement, la police, l’administration de la justice, ne coûtent rien à la communauté. Partout où la race berbère a échappé à la domination de l’étranger, nous la trouvons organisée en petites républiques indépendantes, groupées par fédérations de peu d’étendue. La forme monarchique est dans cette race une exception, et, quand on la rencontre, on peut être sûr que la population qui la subit n’est pas constituée d’une manière normale, qu’elle a fait violence à ses instincts en vue de la défense nationale ou par esprit de domination. La passion de l’égalité a toujours empêché chez les Berbères la constitution d’une nationalité forte et homogène. Ils n’en ont pas les charges, ils n’en ont pas non plus les avantages. La facilité extrême qu’ont eue à toutes les époques les conquérants pour s’établir dans le nord de l’Afrique vient du manque total d’institutions centrales, d’armées, de dynastie, de noblesse militaire. On ne vit jamais société plus faible pour se détendre contre l’agresseur. D’un autre côté, rien de plus éloigné de l’avilissant despotisme de l’Orient, de ce culte de la force, considérée comme une manifestation de la volonté divine, qui est le grand mal des sociétés musulmanes. Les rois assez puissants que l’on voit en Numidie, en Mauritanie, en Gétulie, vers l’époque des guerres puniques, paraissent des condottieri, des embaucheurs de cavaliers nomades, plutôt que de vrais chefs de dynasties héréditaires appuyées sur une féodalité.

L’islamisme est une religion très-peu républicaine. Toute société musulmane arrive vite au plus sanglant absolutisme. Il a fallu dans la race berbère une obstination démocratique bien prononcée pour avoir résisté à