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constituent un curieux chapitre des études paléographiques et épigraphiques. L’origine de l’écriture en question est incertaine ; il n’est pas sûr que les Berbères l’aient inventée de toutes pièces ; ce n’en est pas moins un fait bien remarquable que cette race, en apparence si déprimée, ait un alphabet à elle, un alphabet qu’on n’a trouvé jusqu’ici nulle part ailleurs que sur les côtes barbaresques et dans le Sahara, et qui, selon toutes les apparences, n’a jamais servi à écrire que le berbère.

C’est surtout par la langue que la race berbère a triomphé de ses ennemis. Quoique des populations entières du littoral aient perdu tout souvenir de leur origine, qu’elles ne parlent plus que l’arabe, qu’elles se disent et se croient sincèrement arabes, d’autres fractions de la race berbère, même dans la région maritime, ont gardé et leur langue, mêlée il est vrai d’arabe, et leurs mœurs, altérées jusqu’à un certain point par la conquête musulmane. Ce sont les tribus qu’on appelle kabyles. Si l’on s’enfonce dans l’intérieur, le vieux fond se retrouve bien plus pur. Le touareg, langue autochthone de toute l’Afrique du Nord, est sans mélange d’arabe. Pour étudier la physionomie de ces curieux idiomes, le touareg est donc un type bien préférable au kabyle. Le général Hanoteau, dans ses deux grammaires kabyle et touareg, a présenté les traits principaux de ce grand système linguistique avec sincérité, sans parti pris, en laissant prudemment aux philologues comparatifs le soin de tirer les conséquences des faits bien observés qu’il leur soumet. — Il peut sembler ambitieux de parler de littérature à propos de peuples aussi peu littéraires. M. Hanoteau a néanmoins recueilli ce qu’on a de la littérature berbère,