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Le Kabyle, personne n’en doute, n’a été amené dans le pays ni par la conquête musulmane, ni par celle des Romains ; ce n’est ni un Vandale, ni un Carthaginois ; c’est le vieux Numide, le descendant des sujets de Masinissa, de Syphax et de Jugurtha. Une langue à part, profondément distincte des langues sémitiques, bien qu’ayant avec elles des traits de ressemblance et leur ayant fait de nombreux emprunts, est, à cet égard, le plus irrécusable des témoins. Cette langue se retrouve sur les anciens monuments du pays. Elle n’y a sûrement été introduite ni par Carthage, qui parlait presque hébreu, ni par Rome, ni par les Germains, ni par les Byzantins, ni par les Arabes. Un trait de lumière a été jeté sur l’obscure histoire de l’Afrique quand il a été constaté, surtout par les beaux travaux de M. Hanoteau, que la langue kabyle est à peu près identique au touareg, et que le touareg lui-même est dans la parenté la plus étroite avec tous les idiomes sahariens qui se parlent depuis le Sénégal jusqu’à la Nubie, en dehors du monde nègre ou soudanien. À partir de cette découverte, le vieux fond de race de l’Afrique du Nord a été nettement déterminé. Le nom de berbère paraît, à l’heure présente, le meilleur pour désigner ce rameau du genre humain. L’avenir montrera sans doute que cette dénomination est trop étroite : au touareg et au kabyle, on trouvera des frères et des sœurs ; on montrera que cet idiome n’est qu’un membre d’une famille plus vaste. Déjà du côté de l’Égypte et de l’Espagne se sont ouvertes bien des perspectives séduisantes, décevantes peut-être. On s’est demandé si le copte, le basque, ne trouveraient pas de ce côté le biais qui les ferait sortir de leur solitude linguistique. Rien de