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lui de nos paysans. La vie commune de la tribu est, en effet, comme une grande école traditionnelle à laquelle tous assistent ; le contact perpétuel et intime des individus excite à un haut degré certaines facultés ; enfin, si une telle vie est très-impropre aux spéculations scientifiques et rationnelles, elle constitue un milieu souverainement poétique et où les grandes idées religieuses trouvent merveilleusement à se développer.

Tel est l’intéressant résultat qui sort du livre de M. de Lauture. Ce livre est en quelque sorte l’apologie du désert et de la race du désert. On ne peut nier que la conversion et par suite la conquête de l’Afrique centrale ne semblent dévolues à l’Arabie par une sorte de droit naturel. À l’heure présente la langue arabe est partout en Afrique le signe d’une certaine civilisation : c’est grâce à l’arabe que l’Afrique a eu quelque littérature, et qu’on a vu, par exemple, un assez beau mouvement littéraire se produire à Tombouctou[1]. De nos jours, l’islamisme et la langue arabe font de grands progrès dans la partie orientale de l’Afrique, du côté de Mozambique et de Madagascar, comme nous l’apprennent les renseignements fournis par le missionnaire Krapf[2]. Plusieurs pays du Soudan, tels que le Ouaday, paraissent avoir été récemment convertis, et la propagande musulmane chez les noirs du Sénégal est de plus en plus active. L’islamisme est encore conquérant de ce côté, et bien que des causes physiques

  1. L’histoire littéraire de Tombouctou nous a été récemment révélée par M. Cherbonneau, Journal asiatique, janvier 1853.
  2. Journal de la Société asiatique allemande, 1840, page 44 et suivantes. — Depuis la publication de cet article, l’islamisme a fait en Alfrique des progrès effrayants.