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raires. Dans la pensée du conseil de la Société[1], les études orientales en seraient à peu près de nos jours au point où en étaient les études grecques et latines au xvie siècle. Ce que réclamait à cette époque l’état de la science, ce n’était pas des dissertations sans fin, des subtilités de critique sur des littératures dont tous les monuments étaient loin d’être connus ; ce qui importait avant tout, c’était la publication et la traduction des textes. Les Aldes et les Estiennes ont bien mieux mérité de l’Europe savante en donnant souvent à la hâte des éditions facilement accessibles des auteurs grecs et latins, que s’ils eussent voulu du premier coup les entourer de ce luxe d’érudition et de critique qu’on a déployé plus tard. La Société s’est donc interdit les longs commentaires, les introductions, les notes, et ces magnificences typographiques qui rendent trop souvent les publications du gouvernement inabordables aux véritables travailleurs. Elle ne s’est permis de joindre au texte qu’une simple traduction, parce qu’un texte oriental n’est réellement publié que quand il est traduit, et aussi parce que, le français commençant à être fort étudié chez tous les peuples musulmans qui avoisinent la Méditerranée, elle a espéré contribuer à ce mouvement en leur fournissant des traductions d’ouvrages qu’ils sont accoutumés à respecter et qui ne réveillent en eux aucune antipathie religieuse ou nationale.

La Société asiatique ne pouvait mieux débuter dans cet excellent dessein que par la publication des Voyages d’Ibn-Batoutah. Ibn-Batoutah est peut-être de tous les

  1. On peut lire les excellentes vues développées sur ce sujet par M. Jules Mohl, dans le Journal asiatique, août 1851.