de caractère, de dignité sérieuse chez presque tous, condamnait cette société à ne durer qu’un jour. Les premières milices de l’islam, avec leur entraînante bravoure, avaient disparu ; l’Arabe n’est pas capable de former des armées permanentes ; on fut obligé de chercher l’élément de la force publique dans les esclaves achetés au Turkestan. Les milices soudoyées firent ce qu’elles ont toujours fait : elles s’emparèrent du pouvoir. Il resta de ce monde évanoui un ravissant souvenir, comme d’une époque de plaisir, de mœurs élégantes, de culture littéraire ; le monde en rêvera éternellement. Bagdad fut durant un siècle le centre du mouvement de l’humanité, et, comme tout éveil, même sous sa forme la plus frivole, profite à la philosophie et à la science, ces khalifes, qu’on serait tenté parfois d’appeler de grands enfants, ont rendu à l’esprit humain un service de premier ordre. C’est sous leurs auspices que se firent les traductions du grec et du syriaque en arabe des principaux monuments de la science et de la philosophie grecques. Il y a eu dans l’histoire peu d’événements plus considérables ; car ce fut par ces traductions arabes que notre Occident, au xiie siècle, eut la première connaissance des écrits fondamentaux de toute science, dont il ne posséda les originaux grecs que lors de la grande renaissance du xve siècle.
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