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Messieurs,

Je suis fier de monter dans cette chaire, la plus ancienne du Collège de France, illustrée au xvie siècle par des hommes éminents et occupée de nos jours par un savant du mérite de M. Quatremère. En créant au Collège de France un asile pour la science libre, le roi François Ier posa comme loi constitutive de ce grand établissement la complète indépendance de la critique, la recherche désintéressée du vrai, la discussion impartiale, ne connaissant d’autres règles que celles du bon goût et de la sincérité. Voilà justement, Messieurs, l’esprit que je voudrais porter dans cet enseignement. Je sais les difficultés inséparables de la chaire que j’ai l’honneur d’occuper. C’est le privilège et le danger des études sémitiques de toucher aux problèmes les plus importants de l’histoire de l’humanité. Le libre esprit ne connaît pas de limites ; mais il s’en faut que l’espèce humaine tout entière soit arrivée à ce degré de contemplation sereine où l’on n’a pas besoin de voir Dieu dans tel ordre particulier de faits, justement parce qu’on le voit en toute chose. La liberté, Messieurs, si elle était bien comprise, ferait vivre côte à côte ces exigences opposées. J’espère que, grâce à vous, ce cours en sera la preuve. Comme je ne porterai dans mon enseignement aucun dogmatisme, comme je me bornerai toujours à faire appel à votre raison, à vous proposer ce que je crois le plus probable, en vous laissant la plus parfaite liberté de jugement, qui pourra se plaindre ? Ceux-là seuls qui