pendant la séance, le chambellan Ali, fils de Salih, se présenta : « Prince des croyants, dit-il, un homme revêtu d’un pagne grossier, qu’il porte relevé, est au seuil du palais ; il demande à être admis, afin de prendre part à la discussion. » Les personnes présentes virent que c’était un soufi et voulurent empêcher de l’introduire ; mais le khalife en avait déjà donné l’ordre. Quand il fut assis : « Me permets-tu, dit-il au prince, de t’adresser la parole ? — Parle, lui répondit Mamoun, mais de manière à être approuvé de Dieu. » L’inconnu continua ainsi : « Ce trône sur lequel tu es assis, le dois-tu au suffrage, au consentement des musulmans, ou bien à la violence que tu aurais exercée sur eux en abusant de ta force ? » Mamoun répondit : « Je ne le dois ni au suffrage ni à la violence. Celui qui dirigeait avec moi les affaires des musulmans, et qu’ils supportaient de gré ou de force, m’a transmis l’autorité et m’a fait prêter serment. Devenu seul maître de l’empire, j’ai bien pensé qu’il était nécessaire d’être reconnu par le suffrage unanime et librement exprimé des musulmans. Mais, après y avoir réfléchi, j’ai craint que, si je les abandonnais à eux-mêmes, l’islam ne fût mis en péril, la guerre sainte abandonnée, le faible livré sans défense à l’oppresseur. En conséquence, je garde le pouvoir afin de protéger le peuple, de combattre ses ennemis, d’assurer la sécurité des routes. J’espère amener ainsi les musulmans par la main jusqu’à un état où, leurs suffrages se réunissant sur un souverain de leur choix, je puisse résigner mon pouvoir et devenir un simple sujet. Sois donc l’interprète de mes sentiments auprès de la communauté musulmane, et, quand elle se sera mise d’accord, j’abdique-
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