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prononça l’allocution suivante : « Prince des croyants, que Dieu vous accorde de longues années ; car votre existence donne à vos sujets des campagnes fertiles, une vie heureuse et des richesses abondantes ! Puissiez-vous jouir d’une félicité parfaite, être comblé des faveurs de Dieu et préservé de toute disgrâce ! » Quand il se fut éloigné, Motaçem ajouta : « En vérité, on est fier de connaître un homme tel que lui, et heureux de le fréquenter ; il l’emporte sur mille de ses égaux. Avez-vous remarqué comme il s’est présenté, comme il a salué et pris la parole ? Avec quel art il a su goûter et louer les mets, et s’étendre dans l’entretien, enfin quelle gaieté il a répandue sur notre repas ? Pour repousser une demande venant de lui, il faudrait être un homme vil et de basse origine. Vrai Dieu ! s’il m’eût demandé, séance tenante, la valeur de dix millions de dirhems, je n’aurais su les lui refuser, parce que je suis convaincu qu’en retour de ce don il m’aurait acquis de la gloire en ce monde et une récompense dans la vie future. »

L’homme de talent d’une naissance obscure, aux dehors humbles, qui ne se rend à la cour que contraint par ses amis, qu’on force, avant d’y venir, à se couper la barbe et à prendre un bain, mais qui, introduit, se comporte avec tact, montre son mérite presque malgré lui, se lève quand celui qui l’a introduit, fier de l’estime qu’on a pour son protégé, lui fait un signe, c’est Mani, surnommé Movasvis. Le bouffon grossier est Ali, fils de Djoneid, Eskafi. Le bouffon plus distingué est Aboul-Anbas, qui amuse le khalife par des parodies de l’amour héroïque, et en particulier par une complainte burlesque