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sa propre autorité les idées que l’on croit blâmables. Qui ne voit que cette dernière prétention est la source de toutes les violences et de toutes les oppressions ? Dans l’enseignement du Collège de France, entouré de tant de garanties, cette suppression de la parole me semble particulièrement déplacée. La nomination des professeurs de cet établissement se fait sur la présentation de MM. les professeurs du Collège réunis en assemblée et de la classe compétente de l’Institut. Cette double présentation n’est point un brevet indiscutable. Mais elle suffit au moins pour que celui qui en est honoré ne puisse être accusé de téméraire intrusion, quand il monte dans une chaire à laquelle le désignent des suffrages si autorisés.

Je ne voudrais pas que la forme de cette première leçon trompât le public sur la nature de mon enseignement. Depuis Vatable et Mercier jusqu’à M. Quatremère, la chaire à laquelle j’ai eu l’honneur d’être présenté et nommé a offert un caractère technique et spécial. Sans enchaîner en aucune façon ma liberté ni celle de mes successeurs, je croirais rendre un mauvais service à la science en sortant habituellement de cette respectable tradition. Que deviendront les études sérieuses si elles n’ont au Collège de France un sanctuaire inviolable ? Que deviendra la haute culture de l’esprit humain, si les expositions générales, seules admises en présence d’un public nombreux, étouffaient les enseignements d’une forme plus sévère, dans un établissement surtout qui est destiné à continuer l’école des grands travaux scientifiques ? Je serais tout à fait coupable, si on pouvait m’accuser dans l’avenir d’avoir contribué à un tel changement. Le progrès de la science est compromis si nous ne