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changement qu’elle ait jamais subi. On n’ajouta rien d’essentiel à la vieille basilique ; mais on en développa tous les éléments. À la charpente on substitua la voûte ; des contre-forts sont acculés aux murs pour soutenir les poussées ; les rapports de l’élévation et de l’écartement sont changés. En même temps tout prend du style, et bientôt ce style devient de l’élégance. La colonne s’applique comme décoration au lourd pilier ; le chapiteau vise à copier le corinthien ou le composite, même quand il est historié. La forme de l’église est nettement déterminée : c’est une croix latine, dessinée par une nef élevée, flanquée de bas côtés. Deux tours, d’ordinaire carrées, percées de plusieurs étages de petites fenêtres en plein cintre, ornent l’entrée. Une rosace, au moins rudimentaire, complète la façade. Le chœur s’allonge un peu et parfois s’entoure de bas côtés. Les fenêtres sont étroites, et souvent divisées par le milieu. Une coupole centrale s’élève à la jonction de la nef et du transept. Un progrès non moins sensible se fait sentir dans l’exécution. On se préoccupe de la durée. À l’intérieur, on vise surtout à une grande richesse ; les murs et les pavés sont revêtus d’incrustations colorées, les colonnes présentent une éclatante polychromie. Il semble qu’on veuille modeler l’église sur la Jérusalem céleste, resplendissante d’or et de pierreries.

Ainsi naquit le style dit roman, qui, au xie siècle et dans la première moitié du xiie, couvrit la France d’édifices pleins d’harmonie et de majesté, Saint-Étienne de Caen, Saint-Sernin de Toulouse, Notre-Dame de Poitiers, etc. Quand on étudie bien ces églises, on voit que c’est au moment de leur apparition qu’il faut placer l’acte