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siècles qui, sous le rapport politique, présentent un sensible progrès, ces deux siècles qui assistent à la sécularisation de l’État par Philippe le Bel, à la première proclamation des droits de l’homme, au réveil de la vie mondaine avec les Valois, au premier règne de la bourgeoisie patriote et intelligente avec Étienne Marcel, à l’inauguration d’une royauté administrative et dévouée au bien public avec Charles V, à la grande proclamation de la sainteté de la patrie avec Jeanne d’Arc, puis à de prodigieuses découvertes qui changèrent la face du monde, ces deux siècles, dis-je, assistèrent en même temps à la plus triste déchéance du goût, virent mourir tout ce qui avait fait l’âme du moyen âge, et semblèrent, en fait d’art, comme les paralytiques de la piscine, attendre la vie d’un souffle nouveau. Ce souffle vint de l’antiquité, qui, vers la fin du xve siècle, sortit de son tombeau, au moment juste où elle devenait nécessaire à l’éducation de l’humanité. La vieille terre d’Italie recelait tant de trésors, que les restes de l’art ancien s’y trouvaient à fleur du sol. De très-beaux monuments d’architecture existaient encore presque intacts. Ce n’était pas la Grèce, alors totalement ignorée ; c’était une antiquité de second ordre, mais c’était l’antiquité. À peine la belle ressuscitée se montra-t-elle dans sa sobre élégance et sa sévère beauté, que tous furent fascinés. Chacun renia ses pères, se fit aussi irrespectueux que possible, et, pour plaire à sa nouvelle maîtresse, se crut obligé de commettre des excès de zèle qu’elle-même eût désapprouvés.

Le commencement de notre siècle a vu la première réaction contre ce changement du goût, qui avait été accepté par trois siècles sans une seule protestation. Quand