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sur ce point ; pour le moment, il suffit de remarquer que, vers l’an 300, l’opinion relative à Faustine n’était pas arrêtée, que les accusations concordantes des Marius Maximus et des Dion Cassius excitaient de la défiance, et que sur plusieurs points on les trouvait en contradiction avec des documents alors existants.

Les abréviateurs du IVe siècle firent ce que font d’ordinaire les auteurs d’abrégés et de livres élémentaires. Ils supprimèrent tous les signes d’atténuation, éteignirent les nuances, affirmèrent hardiment. Aurélius Victor, par exemple, n’a pas un doute[1]. Faustine fut un prodige d’impudeur, une tache dans la vie de Marc-Aurèle. Cette assertion sera désormais indéfiniment répétée. Julien ne fit que se conformer à l’opinion commune, en adressant à la mémoire du saint empereur deux reproches : le premier, de n’avoir pas déshérité Commode ; le second d’avoir trop pleuré une femme qui ne méritait pas de larmes[2]. Ainsi fut dicté à la postérité le jugement concernant Faustine. De graves historiens, écrivant cinquante ans après sa mort, lui furent hostiles. Des historiens médiocres, mais de bonne foi, écrivant cent vingt ou cent trente ans après sa mort, racontèrent les mauvais bruits qui couraient sur son compte, tantôt en inclinant à les accepter, tantôt en les réfutant, toujours en exprimant leurs doutes. Puis vinrent les écrivains de seconde et de troisième main, qui tranchèrent la question dans le sens le plus défavorable, et fixèrent, comme il arrive presque toujours, l’opinion dominante. Voyons si nous possédons,

  1. Cæsares, xvi.
  2. Cæs., p. 312, édit. Spanheim. Cf. ibid. p. 334-335.