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chemin, comme elle le mérite, la vraie science a besoin de beaucoup de prudence et d’habileté. C’est parce que notre jeune école ne l’a pas suffisamment compris, que sa place n’est pas ce qu’elle devrait être, et que, si elle n’y prend garde, sa réussite extérieure pourrait être compromise en partie.

Voilà près de huit ans écoulés depuis les terribles épreuves que nous avons traversées, et il est maintenant permis de voir quelle direction notre pays a définitivement choisie dans l’alternative cruelle où l’avait mis sa destinée. La France avait l’option entre deux partis opposés[1]. Elle pouvait adopter un système de réformes analogues à celles que s’imposa la Prusse après la bataille d’Iéna, réformes austères, tendant à donner à tous les services de la force et de la vigueur, sacrifiant dans une large mesure l’individu à l’État, fortifiant l’État et admettant son action dans tous les ordres : comme condition de ces réformes, un gouvernement plus sérieux que brillant, un parlement réduit au rôle de conseiller intime, une monarchie ayant son droit en dehors de la volonté de la nation ; comme conséquence, l’inégalité sociale, une telle organisation

  1. La Réforme intellectuelle et morale, p. 64 et suiv., 82 et suiv. (Paris, 1871).