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de l’histoire littéraire ; Augustin Thierry, qui avait à un si haut degré l’intuition du passé ? Ne donnons pas lieu de croire que nous ne comprenons plus de pareils maîtres. Évitons un autre défaut, je veux dire ce pédantisme déplacé, qui croit servir la science en lui donnant un air hautain et farouche. Il ne faut faire aucun sacrifice à la frivolité des gens du monde ; mais il ne faut pas non plus les rebuter. Certes, la vérité a son prix en elle-même ; elle n’est cependant quelque chose de vivant et de réel que quand elle est comprise et aimée par la portion compétente de l’humanité. Ne nous y trompons pas. Le progrès de l’esprit critique est encore partiel et indécis. La bataille n’est pas gagnée. Il y a un progrès remarquable chez les travailleurs ; il n’y a guère de progrès dans le public. L’autorité scientifique n’a pas gagné. Il y a plus de préjugés que jamais contre des méthodes qu’on est convenu d’appeler allemandes, afin d’avoir un prétexte pour les repousser. Autant d’esprits que jamais, surtout en province, continuent de faire de la science un jeu stérile ou puéril. L’idée qu’il y a une science vraie, qui doit être enseignée, protégée, patronnée par l’État, à l’exclusion de la science fausse, perd du terrain, par suite de l’affaiblissement général des idées de gouvernement. Pour faire son