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fidèles qu’il trouva dans la direction la plus orthodoxe. Il s’embarqua de là pour Rome, où il se mit en rapport avec Anicet et marqua soigneusement l’état de la tradition[1]. Anicet avait pour diacre Éleuthère, qui devait être plus tard évêque de Rome à son tour. Hégésippe, quoique judaïsant et même ébionite, se plaisait dans ces Églises de Paul, et il y avait d’autant plus de mérite que son esprit était subtil et porté à voir partout des hérésies[2]. « Dans chaque succession d’évêques, dans chaque ville, dit-il, les choses se passent ainsi que l’ordonnent la Loi, les Prophètes et le Seigneur[3]. » Il se fixa à Rome comme Justin et y resta plus de vingt ans, fort respecté

  1. Διαδοχήν (Eus., IV, xxii, 3 ; cf. 2) ; c’est à tort qu’on substitue διατριϐήν, qui ne va pas avec μέχρις.
  2. Étienne Gobar, cité par Photius (cod. ccxxxii), semble prétendre que Hégésippe contredisait directement et arguait d’erreur le passage de saint Paul, I Cor., ii, 9. Si cela était vrai, on ne concevrait pas qu’Eusèbe et la tradition ecclésiastique n’eussent pas anathématisé Hégésippe. Or Eusèbe le place parmi les défenseurs de la vérité contre les hérétiques (IV, vii, 15 ; viii, 1 ; cf. Sozom., I, 1). Si Paul était un hérétique aux yeux d’Hégésippe, comment expliquer la théorie de ce même Hégésippe sur l’Église vierge de toute hérésie jusqu’aux gnostiques ? Comment, d’ailleurs, dans ses voyages, est-il en une si parfaite communion avec des Églises dont plusieurs évidemment révéraient Paul ? Et à Rome, où Hégésippe vécut vingt ans en pleine harmonie avec l’Église, le culte de Paul n’était-il pas devenu inséparable de celui de Pierre ? Il faudrait avoir l’endroit visé par Gobar pour bien juger.
  3. Eusèbe, H. E., IV, 8, 11, 22.