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exclusivement la langue de l’Église ; la liturgie, la prédication, la propagande se faisaient en grec[1].

Anicet présidait l’Église avec une haute autorité. On le consultait de tout le monde chrétien. On admettait pleinement que l’Église de Rome avait été fondée par Pierre ; on croyait que cet apôtre avait transmis à son Église la primauté dont Jésus l’avait revêtu ; on appliquait à cette Église les fortes paroles par lesquelles on croyait que Jésus avait conféré à Céphas la place de pierre angulaire dans l’édifice qu’il voulait bâtir. Par un tour de force sans égal, l’Église de Rome avait réussi à rester en même temps l’Église de Paul. Pierre et Paul réconciliés, voilà le chef-d’œuvre qui fondait la suprématie ecclésiastique de Rome dans l’avenir. Une nouvelle dualité mythique remplaçait celle de Romulus et de Rémus. Nous avons déjà vu la question de la pâque, les luttes du gnosticisme, celles de Justin et de Tatien aboutir à Rome. Toutes les controverses qui déchireront la conscience chrétienne vont suivre la même voie ; jusqu’à Constantin, les dissidents viendront demander à l’Église de Rome un arbitrage, sinon une solution. Les docteurs célèbres regardent comme un

  1. De Rossi, Bollettino, 1865, p. 52. Au milieu du iiie siècle, les inscriptions sépulcrales des papes à la Catacombe de saint Calliste sont en grec.