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de briller. Les Actes de ces procédures furent recueillis par les fidèles comme des pièces triomphales[1] ; on les étala ; on les lut avidement ; on en fit un genre de littérature. La comparution devant le juge devint une préoccupation, on s’y prépara avec coquetterie. La lecture de ces pièces, où toujours le beau rôle appartenait à l’accusé, exaltait les imaginations, provoquait des imitateurs, inspirait la haine de la société civile et d’un état de choses où les bons pouvaient être ainsi traités. Les horribles supplices du droit romain étaient appliqués dans toute leur rigueur. Le chrétien, comme humilior et même comme infâme[2], était puni par la croix, les bêtes, le feu, les verges[3]. La mort était quelquefois remplacée par la condamnation aux mines et la déportation en Sardaigne[4]. Cruel adoucissement ! Dans l’application de la question, les juges portaient un complet arbitraire et parfois une véritable perversion d’idées[5].

C’est là un désolant spectacle. Nul n’en souffre plus que le véritable ami de la philosophie. Mais

  1. Eus., H. E., V, proœm. Cf. Minucius Felix, 37.
  2. Tertullien, De fuga, 13.
  3. Paul, Sent., V, 21, 22, 23; Digeste, XLVIII, xix, 28, proœm.; 38, § 3, 5, 7.
  4. Denys de Corinthe, dans Eus., IV, xxiii, 10 ; Philosophumena, IX, 12.
  5. Minucius Felix, 28.