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précepteur qui se voyait enlever ses élèves par cet attrait féminin en concevait une haine profonde, et croyait servir l’État en cherchant à se venger[1]. Les enfants, en effet, se laissaient facilement entraîner aux paroles de mysticité tendre qui leur arrivaient furtivement, et parfois cela leur attirait, de la part de leurs parents, de sévères punitions[2].

Ainsi la persécution atteignait un degré de vivacité qu’elle n’avait pas encore eu jusque-là. La distinction du simple fait d’être chrétien et des crimes connexes au nom fut oubliée. Dire : « Je suis chrétien », ce fut signer un aveu dont la conséquence pouvait être un arrêt de mort[3]. La terreur devint l’état habituel de la vie chrétienne. Les dénonciations venaient de tous les côtés, surtout des esclaves, des juifs, des maris païens. La police, connaissant les lieux et les jours où se tenaient les réunions, faisait dans la salle des irruptions subites[4]. L’interrogatoire des inculpés fournissait aux fanatiques des occasions

  1. Celse, ci-après, p. 362 et suiv.
  2. Lampride, Caracalla, 1. L’Alexamène du Palatin peut avoir été un page de la maison impériale. De Rossi, l. c.
  3. Justin, Apol. II, 2 ; Athénag., 2, 3 ; Tertullien, Ad nationes, I, 3 ; Acta Pauli et Theclæ, 14, 16.
  4. « Tot hostes quot extranei… Quotidie obsidemur, quotidie prodimur. » Tertullien, Apol., 7 ; Ad nationes, I, 7 ; Ad uxor., II, 2, 4, 8 ; saint Cyprien, De lapsis, 5.