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étaient la revanche que prenaient les païens. La plus abominable des calomnies était l’accusation d’adorer les prêtres par des baisers infâmes. L’attitude du pénitent dans la confession put donner lieu à cet ignoble bruit[1]. D’odieuses caricatures circulaient dans le public, s’étalaient sur les murs. L’absurde fable selon laquelle les juifs adoraient un âne[2] faisait croire qu’il en était de même des chrétiens[3]. Ici, c’était l’image d’un crucifié à tête d’âne recevant l’adoration d’un gamin ébouriffé[4]. Ailleurs, c’était un personnage à longue toge et à longues oreilles, le pied fendu en sabot, tenant un livre d’un air béat, avec cette épigraphe : devs christianorvm onokoithc[5]. Un juif apostat, devenu valet d’amphithéâtre, en fit une grande caricature peinte, à Car-

  1. Minuc. Felix, 9. Comp. Tertul., De pænit., 9, presbyteris advolvi ; Martigny, Dict., p. 94 et 264.
  2. Jos., Contre Apion, II, 7 ; Tacite, Hist., V, 3 ; Plut., quæst. conv., IV, v, 2. Comp. Mamachi, Ant. christ., I, 91, 119 et suiv.
  3. Minucius Felix, 9, 28 ; Tertullien, Apol., 16 ; Celse, dans Orig., VI, 30. Sur la pierre de Stefanoni, voir l’Antechrist, p. 40, note. Cf. Matter, Hist. du gnost., pl. vi, no 106 ; expl., p. 79.
  4. Le crucifix grotesque du Palatin répond si bien aux textes de Minucius Felix et de Celse, qu’on doit le croire des dernières années de Marc-Aurèle. Voir l’Antechrist, p. 40, note ; F. Becker, Das Spott-Crucifix, 2e édit., 1876 ; de Rossi, Bull., 1863. p. 72 ; 1867, p. 75.
  5. Terre cuite du duc de Luynes (au cabinet des antiques de la Bibl. nat.), provenant de Syrie.