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vu autant de calamités ; on croyait les dieux irrités ; on redoublait de dévotion ; on fit appel aux actes expiatoires[1]. L’attitude des chrétiens, au milieu de tout cela, restait obstinément dédaigneuse, ou même provocatrice. Souvent ils accueillaient l’arrêt de condamnation par des insultes au juge[2]. Devant un temple, une idole, ils soufflaient comme pour repousser une chose impure, ou faisaient le signe de la croix[3]. Il n’était pas rare de voir un chrétien s’arrêter devant une statue de Jupiter ou d’Apollon, l’interpeller, la frapper du bâton, en disant : « Eh bien, voyez, votre Dieu ne se venge pas ! » La tentation était forte alors d’arrêter le sacrilège, de le crucifier et de lui dire : « Et ton Dieu se venge-t-il[4] ? » Les philosophes épicuriens n’étaient pas moins hostiles aux superstitions vulgaires, et cependant on ne les persécutait pas. Jamais on ne vit forcer un philosophe à sacrifier, à jurer par l’empereur, à porter des flambeaux[5]. Le

  1. Capitolin, Ant. Phil., 13 ; Verus, 8 ; Eutrope, VIII, 12. Cf. Tertullien, Ad nat., I, 9.
  2. « Quam pulchrum spectaculum Deo, quum christianus… triumphator et victor, ipsi qui adversum se sententiam dixit insultat ! » Minucius Felix, 37. « Vos estis de judicibus ipsis judicaturi. » Tertullien, Ad mart., 2.
  3. Tertullien, Ad ux., II, 5 ; De idol., 11 ; Lettre de Julien, dans l’Hermes, 1875, p. 259.
  4. Celse, dans Orig., VIII, 38.
  5. Tertullien, Apol., 46.