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ont connu les lois divines et humaines, nommez-en un seul qui ait persécuté les chrétiens. Nous pouvons même en citer un qui s’est déclaré leur protecteur, le sage Marc-Aurèle. S’il ne révoqua pas ouvertement les édits contre nos frères, il en détruisit l’effet par les peines sévères qu’il établit contre leurs accusateurs[1]. » Le torrent de l’admiration universelle entraîna les chrétiens eux-mêmes. « Grand et bon », tels sont les deux mots par lesquels un chrétien du iiie siècle[2] résume le caractère de ce doux persécuteur.

Il faut se rappeler que l’empire romain était dix ou douze fois grand comme la France, et que la responsabilité de l’empereur, dans les jugements qui se rendaient en province, était très faible. Il faut se rappeler surtout que le christianisme ne réclamait pas simplement la liberté des cultes : tous les cultes qui toléraient les autres étaient fort à l’aise dans l’empire ; ce qui fit au christianisme et d’abord au judaïsme une situation à part, c’est leur intolérance, leur esprit

  1. Apol., 5. Comp. Eus., V, v, 5 et suiv. — Les textes qui semblent supposer un édit spécial de persécution émané de Marc-Aurèle (Sulp. Sév., II, 46) sont sans autorité. Ce que dit Tertullien des peines contre les délateurs est confirmé par Eus., H. E., V, xxi, 3, bien que Tertullien l’emprunte à un document apocryphe, à la lettre censée écrite par Marc-Aurèle après le miracle de la prétendue Légion Fulminante. Voir ci-après, p. 277.
  2. Carm. sib., XII, 187 et suiv. Ἀγαθός τε μέγας τε. Comp. Orose, VII, 15.