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la vertu « comme homme, comme Romain[1] ». Les préjugés du stoïcien se doublèrent ainsi de ceux du patriote, et il fut écrit que le meilleur des hommes commettrait la plus lourde des fautes, par excès de sérieux, d’application et d’esprit conservateur. Ah ! s’il avait eu quelque chose de l’étourderie d’Adrien, du rire de Lucien !

Marc-Aurèle connut certainement beaucoup de chrétiens. Il en avait parmi ses domestiques, près de lui[2] ; il conçut pour eux peu d’estime. Le genre de surnaturel qui faisait le fond du christianisme lui était antipathique, et il avait contre les juifs les sentiments de tous les Romains[3]. Il semble bien qu’aucune rédaction des textes évangéliques ne passa sous ses yeux ; le nom de Jésus lui fut peut-être inconnu ; ce qui le frappa comme stoïcien, ce fut le courage des

  1. Pensées, II, 5.
  2. En particulier, un certain Proxénès. De Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, I, p. 9. Carpophore sous Commode, Philos., IX, 12 ; de Rossi, Boll. di arch. crist., 4e année, p. 3-4. Il y eut toujours des chrétiens dans la domesticité impériale : Phil., iv, 22 ; Tertullien, Ad Scap., 4 ; Spartien, Carac., 1 ; Eusèbe, H. E., VIII, i, 3. Qu’est-ce que Benedicta (Pensées, I, 17) ? Conf. Corp. inscr. gr., III, p. 686-687 ; Corp. inscr. lat., Macéd., no 623. Sur Marcia et Commode, voir ci-après, p. 287-288. M. de Rossi attribue les cent soixante inscriptions de la première area de la catacombe de saint Calliste à la clientèle de Marc-Aurèle, de Commode et des Sévères. Voir Actes de saint Justin, 4.
  3. Amm. Marc, XXII, 5.