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appliquer les règles d’interprétation et de critique qu’on applique à tous les livres ; mais ils constituent les archives religieuses de l’humanité ; même les parties faibles qu’ils renferment sont dignes de respect. De même pour le dogme ; révérons, sans nous en faire les esclaves, ces formules sous lesquelles quatorze siècles ont adoré la sagesse divine. Sans admettre ni miracle particulier ni inspiration limitée, inclinons-nous devant le miracle suprême de cette grande Église, mère inépuisable de manifestations sans cesse variées. Quant au culte, cherchons à en éliminer quelques scories choquantes ; tenons-le, en tout cas, pour chose secondaire, n’ayant d’autre valeur que les sentiments qu’on y met. »

Si beaucoup de chrétiens étaient entrés dans une telle direction, on eût pu espérer un avenir pour le christianisme. Mais, à part les congrégations protestantes libérales, les grandes masses chrétiennes n’ont en rien modifié leur attitude. Le catholicisme continue de s’enfoncer, avec une espèce de rage désespérée, dans sa foi au miracle. Le protestantisme orthodoxe reste immobile. Pendant ce temps, le rationalisme populaire, conséquence inévitable des progrès de l’instruction publique et des institutions démocratiques, rend les temples déserts, multiplie les mariages et les funérailles purement civils. On