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libres esprits, dont le programme peut être ainsi résumé :

« Grand et splendide est le monde, et, malgré toutes les obscurités qui l’entourent, nous voyons qu’il est le fruit d’une tendance intime vers le bien, d’une suprême bonté. Le christianisme est le plus frappant de ces efforts qui s’échelonnent dans l’histoire pour l’enfantement d’un idéal de lumière et de justice. Bien que la première bouture en soit juive, le christianisme est devenu avec le temps l’œuvre commune de l’humanité ; chaque race y a mis le don particulier qui lui fut départi, ce qu’il y a de meilleur en elle. Dieu n’y est pas exclusivement présent ; mais il y est présent plus qu’en tout autre développement religieux et moral. Le christianisme est, de fait, la religion des peuples civilisés ; chaque nation l’admet en des sens divers, selon son degré de culture intellectuelle. Le libre penseur, qui s’en passe tout à fait, est dans son droit ; mais le libre penseur constitue un cas individuel hautement respectable ; sa situation intellectuelle et morale ne saurait encore être celle d’une nation ou de l’humanité.

« Conservons donc le christianisme avec admiration pour sa haute valeur morale, pour sa majestueuse histoire, pour la beauté de ses livres sacrés. Ces livres assurément sont des livres ; il faut leur