Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/657

Cette page a été validée par deux contributeurs.

empêcher leurs découvertes de devenir la loi des esprits. Au xviiie siècle, la raison triomphe ; vers 1800, presque aucun homme instruit ne croit plus au surnaturel. Les réactions qui ont suivi n’ont été que des arrêts sans conséquence. Si beaucoup d’esprits timides, par crainte des grandes questions sociales, s’interdisent d’être logiques, le peuple des villes et des campagnes s’éloigne de plus en plus du christianisme, et le surnaturel perd chaque jour quelqu’un de ses adhérents.

Qu’a fait le christianisme pour se mettre en garde contre cet assaut formidable, qui l’emportera, s’il n’abandonne certaines positions désespérées ? La réforme du xvie siècle fut assurément un acte de sagesse et de conservation. Le protestantisme diminuait le surnaturel quotidien ; il revenait en un sens au christianisme primitif et réduisait à peu de chose la partie idolâtrique et païenne du culte. Mais le principe du miracle, surtout en ce qui regarde l’inspiration des livres, était conservé. Cette réforme, d’ailleurs, n’a pu s’étendre au christianisme tout entier ; elle a été gagnée de vitesse par le rationalisme, qui probablement supprimera la matière à réformer avant que la réforme ait été faite. Le protestantisme ne sauvera le christianisme que s’il arrive au rationalisme complet, s’il fait sa jonction avec tous les