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à-dire l’intervention de volontés particulières réfléchies. Or, au point de vue du christianisme, l’histoire du monde n’est qu’une série de miracles. La création, l’histoire du peuple juif, le rôle de Jésus, même passés au creuset de l’exégèse la plus libérale, laissent un reliquat de surnaturel qu’aucune opération ne peut ni supprimer, ni transformer. Les religions sémitiques monothéistes sont au fond ennemies de la science physique, qui leur paraît une diminution, presque une négation de Dieu. Dieu a tout fait et fait encore tout, voilà leur universelle explication. Le christianisme, bien que n’ayant pas porté ce dogme aux mêmes exagérations que l’islam, implique la révélation, c’est-à-dire un miracle, un fait tel que la science n’en a jamais constaté. Entre le christianisme et la science, la lutte est donc inévitable ; l’un des deux adversaires doit succomber.

Du xiiie siècle, moment où, par suite de l’étude des livres d’Aristote et d’Averroès, l’esprit scientifique commence à se réveiller dans les pays latins, jusqu’au xvie siècle, l’Église, disposant de la force publique, réussit à écraser son ennemi ; mais, au xviie siècle, les découvertes scientifiques sont trop éclatantes pour pouvoir être étouffées. L’Église est encore assez forte pour troubler gravement la vie de Galilée, pour inquiéter Descartes, mais non pour