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trouvées blessées d’être en religion les vassales d’une famille méprisée. Les germanistes fougueux n’ont pas caché leurs froissements ; quelques celtomanes ont manifesté le même sentiment. Les Grecs, retrouvant leur importance dans le monde par les souvenirs de l’ancien hellénisme, ne se sont pas non plus dissimulé que le christianisme avait été pour eux une apostasie. Grecs, Germains, Celtes se sont consolés en se disant que, s’ils avaient accepté le christianisme, ils l’avaient du moins transformé et en avaient fait leur propriété nationale. Il n’en est pas moins vrai que le principe moderne des races a été nuisible au christianisme. L’action religieuse du judaïsme est apparue colossale. On a vu les défauts d’Israël en même temps que sa grandeur ; on a eu honte de s’être fait juif, de même que les patriotes germains exaltés se sont crus obligés de traiter d’autant plus mal le xviie et le xviiie siècle français, qu’ils lui devaient davantage.

Une autre cause a miné fortement, de nos jours, la religion que nos aïeux pratiquèrent avec un si plein contentement. La négation du surnaturel est devenue un dogme absolu pour tout esprit cultivé. L’histoire du monde physique et du monde moral nous apparaît comme un développement ayant ses causes en lui-même et excluant le miracle, c’est-