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devenir rationnel, est étouffé par la grossièreté d’un clergé qui veut l’absurde. Au moyen âge, ce clergé devient une féodalité. Le livre démocratique par excellence, l’Évangile, est confisqué par ceux qui prétendent l’interpréter, et ceux-ci en dissimulent prudemment les hardiesses.

Le sort du christianisme a donc été de sombrer presque dans sa victoire, comme un navire qui serait près de couler par le fait des grossiers passagers qui s’y entassent. Jamais fondateur n’a eu de sectateurs qui lui aient moins ressemblé que Jésus. Jésus est bien plus un grand juif qu’un grand homme ; ses disciples ont fait de lui ce qu’il y a de plus anti-juif, un homme-Dieu. Les additions faites à son œuvre par la superstition, la métaphysique et la politique ont tout à fait masqué le grand prophète, si bien que toute réforme du christianisme consiste en apparence à supprimer les fioritures qu’y ont ajoutées nos ancêtres païens, pour revenir à Jésus tout pur. Mais la plus grave erreur que l’on puisse commettre en histoire religieuse est de croire que les religions valent par elles-mêmes, d’une manière absolue. Les religions valent par les peuples qui les acceptent. L’islamisme a été utile ou funeste, selon les races qui l’ont adopté. Chez les peuples abaissés de l’Orient, le christianisme est une religion fort mé-