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que l’Orient devient de jour en jour plus brillant ; on voit déjà poindre Constantin. Les arts plastiques, si fort aimés d’Adrien, devaient paraître à Marc-Aurèle des quasi-vanités. Ce qui reste de son arc de triomphe[1] est assez mou ; tout le monde, jusqu’aux barbares, y a l’air excellent ; les chevaux ont un œil attendri et philanthrope. La colonne Antonine est un ouvrage curieux, mais sans délicatesse dans l’exécution, très inférieur au temple d’Antonin et Faustine, élevé sous le règne précédent. La statue équestre du Capitole nous charme par l’image sincère qu’elle nous présente de l’excellent empereur ; mais l’artiste n’a pas le droit d’abdiquer toute crânerie à ce point. On sent que la totale ruine des arts du dessin, qui va s’accomplir en cinquante ans, a des causes profondes. Le christianisme et la philosophie y travaillaient également. Le monde se détachait trop de la forme et de la beauté. Il ne voulait plus que de ce qui améliore le sort des faibles et adoucit les forts.

La philosophie dominante était morale au plus haut degré, mais elle était peu scientifique ; elle ne poussait pas à la recherche. Une telle philosophie n’avait rien de tout à fait incompatible avec des cultes aussi peu dogmatiques que l’étaient ceux d’alors. Les philosophes étaient souvent revêtus de

  1. Au palais des Conservateurs, à Rome.