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Lourdes et de la Salette, la multiplication des images miraculeuses, le Sacré-Cœur, les vœux, les pèlerinages font du catholicisme contemporain, au moins dans certains pays, une religion aussi matérielle que tel culte de Syrie combattu par Jean Chrysostome ou supprimé par les édits des empereurs. L’Église eut, en effet, deux attitudes à l’égard des cultes païens : tantôt lutte à mort, comme cela eut lieu à Aphaca et dans la Phénicie ; tantôt compromis, la vieille croyance acceptant plus ou moins complaisamment une teinture chrétienne. Tout païen qui embrasse le christianisme, au iie ou au iiie siècle, a horreur de sa vieille religion ; celui qui le baptise lui demande de détester ses anciens dieux. Il n’en est pas de même pour le paysan gaulois, pour le guerrier franc ou anglo-saxon ; sa vieille religion est si peu de chose, qu’elle ne vaut pas la peine d’être haïe ou sérieusement combattue.

La complaisance que le christianisme, devenu la religion des foules, montra pour les cultes anciens, il l’eut aussi pour beaucoup de préjugés grecs. Il parut avoir honte de son origine juive et fit tout pour la dissimuler. Nous avons vu les gnostiques et l’auteur de l’Épître à Diognète affecter de croire que le christianisme est né spontanément, sans relation avec le judaïsme. Origène, Eusèbe n’osent pas le