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munauté religieuse qui jusque-là en avait été la plus exempte.

Si l’on excepte quelques sectes orientales, les chrétiens primitifs sont les moins superstitieux des hommes. Le chrétien, le juif pouvaient être fanatiques : ils n’étaient pas superstitieux comme l’étaient un Gaulois, un Paphlagonien. Chez eux, pas d’amulettes, pas d’images saintes, pas d’objet de culte en dehors des hypostases divines. Les païens convertis ne pouvaient se prêter à une telle simplicité. Le culte des martyrs fut la première concession arrachée par la faiblesse humaine à la mollesse d’un clergé qui voulait se faire tout à tous, pour gagner tous à Jésus-Christ. Les corps saints eurent des vertus miraculeuses, devinrent des talismans ; les lieux où ils reposaient furent marqués d’une sainteté plus particulière que les autres sanctuaires consacrés à Dieu. L’absence de toute idée des lois de la nature ouvrit bientôt la porte à une thaumaturgie effrénée. Les races celtiques et italiotes, qui forment la base de la population de l’Occident, sont les plus superstitieuses des races. Une foule de croyances que le premier christianisme eût trouvées sacrilèges passèrent ainsi dans l’Église. Celle-ci fit ce qu’elle put ; ses efforts pour améliorer et élever de grossiers catéchumènes sont une des plus belles pages de l’histoire humaine ;