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convénients ; car la conquête germanique maintint en face du moine une puissante caste militaire ; l’Orient, au contraire, fut réellement rongé par un monachisme qui n’avait de la perfection chrétienne que l’apparence la plus mensongère.

Une moralité médiocre et un penchant naturel à l’idolâtrie, telles étaient les tristes dispositions qu’apportaient dans l’Église les masses qu’on y fit entrer, en partie par la force, depuis la fin du IVe siècle. L’homme ne change pas en un jour ; le baptême n’a pas d’effets miraculeux instantanés. Ces multitudes païennes, à peine évangélisées, restaient ce qu’elles étaient la veille de leur conversion : en Orient, méchantes, égoïstes, corrompues ; en Occident, grossières et superstitieuses. Pour ce qui touche à la morale, l’Église n’avait qu’à maintenir ses règles, déjà presque toutes écrites en des livres tenus pour canoniques. En ce qui touche à la superstition, la tâche était bien plus délicate. Les changements de religion ne sont, en général, qu’apparents. L’homme, quelles que soient ses conversions ou ses apostasies, reste fidèle au premier culte qu’il a pratiqué et plus ou moins aimé. Une foule d’idolâtres, nullement changés au fond et transmettant les mêmes instincts à leurs enfants, entrèrent dans l’Église. La superstition se mit à couler à pleins bords dans la com-