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beaucoup de docteurs conçurent la fin de l’empire comme la fin du monde, et appliquèrent à cet événement les images apocalyptiques de la catastrophe suprême. L’Église orientale, qui ne fut pas gênée dans son développement par les barbares, ne se détacha jamais de cet idéal ; Constantin et Théodose restent ses deux pôles ; elle y tient encore, du moins en Russie. Le grand affaiblissement social qui est la conséquence nécessaire d’un tel régime se manifesta bientôt. Dévoré par le monachisme et la théocratie, l’empire d’Orient fut comme une proie offerte à l’islam ; le chrétien, en Orient, devint une créature d’ordre inférieur. On arrive de la sorte à ce résultat singulier que les pays qui ont créé le christianisme ont été victimes de leur œuvre[1]. La Palestine, la Syrie, l’Égypte, Chypre, l’Asie Mineure, la Macédoine, sont aujourd’hui des pays perdus pour la civilisation et assujettis au joug le plus dur d’une race non chrétienne.

Heureusement, les choses se comportèrent en Occident d’une tout autre manière. L’empire chrétien d’Occident périt bientôt. La ville de Rome reçut de Constantin le coup le plus grave qui l’ait jamais frappée. Ce qui réussit avec Constantin, ce fut sans

  1. Voir la carte, dans le volume de Tables.